Take-Off power set.


J'annonce rotation, et je tire légèrement le manche vers l'arrière. On s'envole droit vers l'épais plafond gris qui recouvre la France de l'Ouest.

Ce dimanche est triste, les points d'arrêt de Lasbordes désespérément vides de tout trafic. Gloomy Sunday.

Je commence la section concernant les navigations,même si officiellement je l'ai déjà bien entamée. En effet les tours de piste étant fermés le Dimanche à Lasbordes, on a dû pendant longtemps se dérouter vers d'autre aérodrome de façon à faire crisser la gomme.

Cependant, en ce dimanche maussade, c'est une grande première pour moi, car il n'est pas question de parler de tours de piste. J'ai un essai, un atterrissage pour convaincre. Tu sors full flaps, et tu joues ta vie.

Que c'est bon, ces jours où tu flirtes avec ce que la nature t'offre, les choses simples de la vie. J'arrive encore et toujours à m'émerveiller devant la Terre vue d'en haut. Ce plaisir indescriptible qui te laisse penser que ce qu'on t'offre c'est une chance.
Je pense, et ne cesse de le penser, que de plus en plus de monde vise à chercher le plaisir complexe, et qu'on ne cesse de passer à côté des plaisirs simples. Trêve dans les pensées philosophiques.

Le vol est ce qu'il y a de plus classique:

Aviate, Navigate, Communicate

On évite les nuages, parfois on joue avec, le plafond bloque notre montée à 1600ft. Je suis désormais à deux doigts de pouvoir dire que j'ai la tête dans les nuages.

Cahors se profile devant la casserole de l'hélice, et on s'intègre dans le circuit après avoir fait une reconnaissance préalable. En vent arrière, je suis légèrement trop près de la piste, mais peu importe, je m'aviserais de corriger.
Dans ta tête à ce moment là, tu anticipes ta trajectoire, tu te remémores la C/L d'approche finale, tu t'attends à tout sauf a ce que les RPM tombent dans le rouge. Et pourtant...

Les RPM, ceux qui te tiennent en vie, véritable coeur de l'avion, viennent de tomber dramatiquement dans la zone critique. Tu tournes la tête vers l'instructeur, qui avec son petit sourire diabolique et sa main ferme vient de transformer l'avion en un simple planeur. Et si les instructeurs étaient des magiciens ? Ou des faucheuses qui selon leurs humeurs enlèvent la vie de la carcasse métallique qui te porte dans les airs?

"Allez PTU"

PTU, où "prise de terrain en U", la manœuvre qui te sauvera le jour où ton hélice ne brassera plus l'air.
La piste à ma droite défile et j'ai du mal à bien effectuer ma PTU, surement encore en manque de repères. J'arrive tant bien que mal à placer l'avion en finale.
Plan fort, flaps full, je joue ma vie...
J'arrondis et les roues percutent le sol, le KC retrouve le plancher des vaches. On roule au parc.



Le temps de prendre quelques photos sous le ciel pesant, et déjà on doit repartir car le timing est serré. Au passage, je suis fier d'avoir su placer la ligne jaune, juste sous la roue de l'avion... Fierté




Après les longues vérifications usuelles, j'annonce sur la fréquence que je vais remonter la 31. Transpondeur sur alt, landing lights sur on, pompe sur on, volets sur 1. Je remonte la piste. J'entre sur la raquette et m'aligne au seuil de la piste. L'instructeur me lance: "Tu as perdu 5 mètres et ce serait précieux en cas de panne au décollage". C'est là que tu sens que y'a un truc qui va foirer.

"F-KC on décolle piste 31"

La main gauche pousse la manette des gaz et l'avion commence à avaler la piste. Paramètres normaux, badin actif et rotation. L'avion commence à s'arracher du plancher des vaches, direction les cieux.

L'avion ne monte plus, l'instructeur à revêtu son habit de faucheuse, et la main ferme a tiré la manette des gaz vers le ralenti. Le briefing de sécurité nous donne qu'en cas de panne majeure après la rotation on doit poser "droit devant en évitant les obstacles". A Cahors, la 31 nous catapulte dans les arbres...
Tu sais que le jour où la panne est réelle, il te reste juste à prier pour que le choc ne soit pas trop violent.

Le retour se fera à la sauce déroutement, avec calcul des caps sur le moment, juste à l'aide du "pifomètre".
Cette "sauce" m'a d'ailleurs permit de trouver le métier idéal pour moi, si jamais la porte du flightDeck reste à jamais fermée. Je serais Vendeur de Tapis. L'explication de choix est d'une simplicité déconcertante:

Retour sur LFCL, on est installé à 2000ft on croise le point E et on se dirige vers AE, de façon à pouvoir rejoindre la verticale de LFCL. N'ayant pas le compas dans l'œil, je m'égare, balbutie mes caps, hésite, et au final me pomme dans la campagne Toulousaine. J'essaye de vendre un premier tapis à mon instructeur, qui est loin de se faire avoir aussi facilement, lui a déjà AE dans son collimateur. Je suis de la génération FS, habitué ( plus ou moins) au VOR, je cale la fréquence de la NAV1 sur celle du VOR de TOU. L'aiguille s'agite et j'essaye de la centrer, je suis sur la radiale Est. Je tourne l'OBS vers 089 et l'aiguille du VOR se décentre. Je lève la tête, et devant la casserole, le graal: AE.
Comme quoi les instructeurs ne sont pas les seuls magiciens à bord. J'essaye régulièrement de vendre du tapis, sans succès, et dans ce cas précis, j'ai été le vendeur vendu. Le VOR, je le maitrise sur FS, mais je suis loin de le maitriser sur le terrain.



Le retour sur LFCL, est des plus classiques, et l'aérodrome n'est pas plus actif qu'avant. J'ai cette image spéciale dans la tête: en finale sur la 34 de LFCL, on se frotte au liners qui atterrissent sur Blagnac. Dans mon cockpit je suis comme l'immigré sur l'île d'Ellis Island voyant de loin "l'American dream", n'y accédant jamais.
Mention spéciale pour mon atterrissage, qui ne nous marquera pas les lombaires comme ceux d'avant. Fierté quand tu nous tiens.

Les rayons du soleil ont réussi à percer la couche et teinte de rouge la couche nuageuse. Le cockpit revêt sa robe grise. On étouffe le moteur, le silence est de mise, je pousse sur le "Master Switch". Fin du rêve. Comme un gosse à qui on enlève la tétine.

J'ai reçu ma convocation pour aller passer le concours Agent d'Exploitation à l'ENAC. Je ne veux pas y rentrer, juste essayer. Rentrer à l'ENAC serait en l'état actuel des choses, éliminatoire pour pas mal de choses dans l'aviation professionnelle. L'an prochain c'est licence IMP à Paul Sabatier, et après je pense que il sera l'heure pour moi de partir dans les plaines Canadienne. C'est alors que ce blog prendra tout son sens.

Je voulais aussi parler d'un blog qui me tient particulièrement à coeur: http://nayrusetvoila.blogspot.com/

Je ne le décrit pas, de quoi attirer votre attention...

En attendant,je quitte les lunettes et le casque, et, je retourne sur la chaise du lycée, en pensant encore et toujours à mes avions et au week-end prochain.

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