Saut dans l'inconnu

 Aujourd'hui, je suis accompagné par un autre pilote pour un petit vol local sans autre but que de se faire plaisir. On a prévu de partir de LFCL, puis d’enchaîner par un transit sur LFBO. A la suite du transit on se dirigera vers LFCX, puis on rentrera en passant par le VOR de Gaillac.

Les jours précédents ne nous ont pas gâté en terme de météo, et pour la première fois aujourd'hui, le soleil fait briller ses rayons.

L’hélice tracte la carcasse de bois à travers les airs, les équations mathématiques agissent sur les ailes pour nous garder en l'air tout en luttant contre la gravité. Je profite du court laps de temps qu'il y a entre le point de sortie de LFCL et le début du transit de LFBO pour transmettre mes intentions à l'info en vol.

Alors qu'on arrive à quelques secondes d'EN, l'info en vol nous transfère sur la tour de Toulouse pour le transit, la tour a les éléments: 

- "Toulouse Tower,  F-KC good afternoon, 2000ft, Echo November, to proceed Echo Alpha"
- " F-KC, good afternoon, proceed direct EA."


J'incline lentement les ailes, et Toulouse s'offre à nous, inondée par les milliers de photons propulsés par un soleil éclatant.

Je n'ai jamais eu aussi peur qu'aujourd'hui, peur de l'épreuve qui m'attend en 2016. Peur et excitation se mélangent jours après jours, les sentiments sont étranges. 
J'ai peur d'ouvrir le nouveau livre de ma vie. Sortir de sa petite zone de confort n'est jamais chose facile, et c'est une des épreuves que je redoute le plus. 

Casser sa zone de confort est une des choses les plus difficile à faire, mais aussi une des chose les plus excitante qu'il ait été donné de faire. Reconstruire, se débrouiller, découvrir de nouveaux environnements, créer de nouveaux liens avec les gens, et puis, se retourner sur sa vie et se dire "Putain, c'est beau d'y être arrivé", se sentir comme un mec qui vient de finir un marathon, souvent dans le doute, dans la souffrance, mais qui vient de franchir la ligne... 

Mon choix est identique à celui d'un commandant de bord qui atteint sont Point de Non Retour (PNR) sur son vol transatlantique, si une avarie plus ou moins grave se déclarait à bord, est ce que je ferais demi-tour, ou est ce que je foncerais droit devant ? 
J'aurais tellement à perdre en faisant volte-face aujourd'hui que ma décision est vite prise.

J'ouvre les yeux, et Toulouse rayonne toujours autant sous le soleil. 
Ma décision se conforte. On sera au Canada en 2016, et on y sera plus fort que jamais.