Pilote de ligne et monde actuel


Tout le monde se réjouit de l'arrivée dans nos contrées des A380.

Pour ma part, c'est la peur au ventre que je vois le nombre d'A380 augmenter de jour en jour.

Pourtant passionné par cet avion, je me dis que c'est la mort du métier. Pour seul exemple, j'ai celui de l'A380 effectuant la liaison "Paris CDG-New-York", Air France a annoncé qu'il remplaçait deux avions.

Le fait qu'il remplace deux avions induit qu'il remplace également, au minimum, les 4 pilotes qui vont avec. Appliquez cela à toutes les entreprises, et le calcul est vite fait.
En ces temps où la plupart des pilotes peinent à trouver un métier, cela n'est pas de bonne augure.

Le cas est un peu similaire dans les grandes surfaces. Les ordinateurs à la voix métallique ont peu à peu remplacé les charmantes caissières, à la voix douce. Le monde feint de ne rien voir, mais en réalité, il voit tout, mais préfère ne pas parler car au final ça ne le concerne pas. Si ce n'est pas la preuve d'un individualisme.

Le 20 Janvier, on ouvre les hostilités avec les inscriptions post-Bac. Deux choix, deux vies différentes mais à but unique: piloter.
Le premier des deux choix, me lancer de plein pied dans l'aviation, et espérer à la sortie que la chance soit avec moi pour décrocher un petit job de pilote, en attendant de trouver des liners.
Second choix, celui qui consiste à assurer ses arrières, en continuant soit à l'ENAC, soit à la fac et commencer à piloter à la fin totale des études.

Autant de questions auxquelles, il m'est difficile de répondre. Tout simplement, car je veux faire le bon choix.
La conjoncture mondiale de l'aviation actuelle, me laisse perplexe quant au fait de trouver un emploi directement à la sortie du moule.

Mais avant d'user le critérium sur les cartes Jepessen, il va falloir user la mine sur la feuille blanche du lycée.
Mais la suite on la connait, on remplacera les intégrales par les approches ILS, les logarithmes par les circuits d'attente, et l'ennui par le Bonheur.
C'est d'ailleurs ça qui fait que je suis encore au lycée, cette recherche continuelle du bonheur.

P.S: Merci à Elodie pour la photo

Ville Rose transformée en ville Blanche, le temps d'un vol.


On s'aligne piste 34 à LFCL, destination Montauban.
La main gauche pousse fermement la manette des gaz, le badin affiche 150 km/h, et je tire sur le manche. Le DR-400 s'envole sous les nuages. La ville rose à revêtue son habit blanc.

Le temps est gris, et les rayons du soleil peinent à traverser le plafond. Hier, il a neigé toute la journée, et la couche de neige atteignait les 20 centimètres.
Aujourd'hui on se délocalise vers Montauban pour faire nos tours de piste, et on prévoit de transiter par la CTR de Toulouse via le point Echo.

2 min avant le point Echo, on contacte la tour de LFBO sur 118.1, et pour une fois je suis au commande d'un avion, de l'autre côté de la radio. Cette radio que je ne cesse d'écouter. Encore difficile à imaginer. Parmi ma voix, celle des pilotes de gros "liners" qui sont autorisé à monter au niveau 190.

En attendant, je reste bloqué à mon altitude de 2000ft, admirant le magnifique paysage qui s'offre à moi.
Mais pas le temps de s'y attarder car la navigation m'impose un rythme de travail soutenu. Et déjà, Montauban se profile à l'horizon.

On est en Auto Info , et on procède comme à l'habitude, verticale, puis circuit d'aérodrome. La piste en service est la 14, les maison entourent la piste et la pente finale est calée sur 7.1%.
On est en finale, je sors les volets, réduit la vitesse, et l'avion touche la piste. On rentre les volets, enlève le "Carbu Heat" et on remet plein gaz. On en fera trois de plus.

Déjà le soleil se couche, signe qu'il faut rentrer. En moins de 15 minutes, on est verticale AE, et on se dirige droit vers LFCL.
Au loin la piste brille, elle est recouverte partiellement de neige. Après la verticale, on vient se placer dans le circuit d'aérodrome en vue d'un complet sur la 34.
La piste est maintenant face à nous, plein volets et 115km/h.
La partie droite de la piste est contaminée et la partie droite en état correct, on décide donc de se placer sur la partie centrale en désaxant légèrement sur la gauche, pour éviter un contact avec la glace.
A l'atterrissage je suis un peu a droite et la roue du train droit est dans la neige. Heureusement que l'avion se comporte sainement. Il me reste encore beaucoup à apprendre.

On est maintenant sur les taxiways, et la neige disparait peu à peu, alors que notre avion coupe l'obscurité grandissante.
On aperçoit maintenant le hangar du club.

Cet hangar qui est le signe que le week-end se termine et que la chaise du lycée se rapproche. Je dois avouer que ma désillusion est grande, vis-à-vis de ce que le lycée m'aura apporté dans la vie. Je pensais m'épanouir en apprenant dans ce lieu, mais ce ne fût qu'une douce et longue utopie. Certains professeurs ne sont au lycée que pour lire des bouquins.
Et je n'ai jamais eu besoin de personne pour apprendre à lire un bouquin.

En Avril prochain, je serai sur les bancs de l'ENAC, pour le concours AE (Agent d'exploitation). Ça sera dur, mais tout est possible.
Si je suis pris, il ne reste que 7 mois d'apprentissage puis je commence à bosser et en même temps, je volerai pour passer mes gallons.

En attendant que ça arrive, je continu à croire que le "Coveted Left Seat" existe quelque part dans le monde...